dimanche 3 juin 2018

Sur un air de tango

Le monde bouge, mais la musique reste.

Alors qu'on disrupte à tout va, que les vélibs parisiens se transforment pour offrir une qualité de service jamais vue, que Serge Dassault réinvente une dernière fois sa vie, qu'une nouvelle princesse se marie devant le monde entier, il est essentiel de garder des repères pour survivre.

Gustave Borjay vous en offre un : youtube.com/watch?v=yqG4i3zuX48

Passons sur l'émotion légitime qui vous bouleverse et vous renvoie à l'infinie petitesse de votre condition en écoutant une telle œuvre, mais savez-vous que cette suite musicale a inspiré l'illustre Don Rosa, génie de la bande-dessinée, dans un fantomatique et réellement émouvant épisode de son épopée dédiée à Picsou, sur les ténébreuses terres écossaises ?

Aussi le Maître vous invite-t-il, pour suppléer votre concentration et peut-être pour ajouter à votre inspiration l'inspiratrice beauté qui lui manque cruellement, à écrire en musique. Tout votre art consistera à choisir le bon morceau à la façon du café : pas trop corsé, pas trop fade, qui vous réveille mais ne vous empêche pas non plus d'éprouver une paix féconde, et dont les volutes de vapeur en s'élevant attirent votre âme d'artiste vers les plus hautes sphères.

La permanence de l'art musical est là pour supplanter la frénétique bougeotte de notre siècle et nous faire revenir inlassablement à ce qui nous dépasse : le bien, le beau, le vrai.

A bon entendeur.

Gustave Borjay vous salue.

Le Beau. Le Bien. Le Vrai. Le Beau.

samedi 7 avril 2018

De l'Amour

Aimez vos personnages !

Telle est la phrase que Gustave Borjay, interrompu dans l'une de ses déambulations bucoliques si propices à l'exercice de sa féconde imagination, aurait pu répondre avec une pointe d'exaspération à l'importun qui lui aurait posé de but en blanc, brutal parmi les brutaux, la question "Comment diantre réussir mes personnages de roman ?"

Cela suffirait-il à l'importun pour comprendre, tandis que le Maître s'éloignerait d'un pas grave (son léger courroux s'effaçant sous la bienveillance avec laquelle il regarde malgré tout ses semblables en dépit de leurs multiples insuffisances), l'impérieuse vérité du message délivré ?

On en doute, tant les propos de l'Ecrivain ne sont pas à la portée du commun des mortels.

Tâchons de vous les rendre sensibles : le principe est qu'avant même de vous lancer dans la rédaction complexe de fiches consacrées à chacun de vos personnages, de détailler leur physique, leur position sociale, leur conversion au véganisme, leur sombre passé, les arbres qu'ils ont replantés, les minutes de silence qu'ils ont observées, il faut vous attacher à une chose : les aimer.

Aimer, non seulement c'est ce qu'il y a de plus beau comme le fredonneront certains d'entre vous, mais surtout c'est connaître vraiment, c'est éprouver un intérêt salvateur pour le personnage. Voilà ce qui le fait exister pleinement à vos yeux et qui permettra non pas de lui donner vie, mais tout simplement encore de raconter sa vie qui ne vous appartient déjà plus.

Pourquoi Dickens s'attire le respect de Gustave Borjay ? Car il aimait ses personnages au point de traverser un deuil éprouvant à chaque roman terminé, et c'est l'émotion que ses lecteurs revivent précisément. Pourquoi Lost a si bien marché ? Parce que les spectateurs ne pouvaient pas connaître la fin à l'avance, et que les protagonistes partageaient tous quelque chose de touchant, d'original, qui ne laissait pas indifférent. Pourquoi Koh-Lanta marche ? Car les gens aiment voir de vrais personnages, pour s'y attacher, ou les détester sur twitter. Pourquoi La Forme de l'eau ou Star Wars VII attirent du public ? Gustave Borjay l'ignore.

Apprenez donc à connaître vos personnages, passionnez-vous pour iceux, et vous n'aurez plus qu'à les regarder avec transports évoluer dans l'intrigue que vous avez tissée pour eux - et à raconter leur palpitante existence en témoin privilégié que vous êtes.

Gustave Borjay vous salue.

Ils sont là vos jeunes amis, tous beaux, tous frétillants, tous requinqués de votre amitié,
tous prêts à s'embarquer vers l'affreux drame social que vous leur avez concocté.

vendredi 30 mars 2018

De l'Amitié

A l'instar de Cicéron quand il écrivait son propre blog, Gustave Borjay aurait pu baptiser son article "De Amicitia", mais cela l'aurait forcé à écrire en latin à et faire baisser son lectorat.

Mais qu'est-ce que l'amitié, au-delà de toutes les considérations sur ce qu'il est et ce que je suis ? Au-delà des chansons de Françoise Hardy ?

Au-delà de tout cela, ça peut être une rencontre que même le Maître, Gustave Borjay, ne renie pas et qui le pousse rien moins qu'à reprendre la plume sur son blog après plusieurs années de road-trip à travers les cinq continents : celle de son homologue François Vesc, dont il vous recommande avec une chaleur et une sincérité touchantes la première œuvre :

La Sentence de Dargeville

Bref, si vous aimez les romans à l'ancienne, mêlant vengeance, conspiration, rédemption, des retournements comme on n'en fait plus et un style comme on voudrait en goûter chaque jour, prenez le temps de la réflexion quelques millièmes de secondes et lancez-vous ! En plus - information exclusive obtenue de l'intéressé lui-même - une opération de gratuité promotionnelle sera organisée le dimanche 8 avril dans toutes les bonnes librairies.

Gustave Borjay vous salue.

L'amitié des deux Maîtres croquée sur le vif, lors d'un bref
échappatoire à leurs intenses travaux littéraires.

mercredi 15 juillet 2015

Trouver un nouveau sujet de roman - Partie II

Souvenez-vous, dans le précédent épisode, vous laissiez échapper entre vos mâchoires que vous ne contrôliez plus et qui s'entrechoquaient dans un cliquetis frénétique un "Sur quoi pourrais-je écrire ?"

Et vous êtes restés là dans cette indécision, liquéfié dans votre marasme, hésitant entre la corde, la noyade et un album des Enfoirés. Heureusement, contre toute attente vous avez pu tenir, refusant de vous abandonner à cette vague de suicides si séduisante qui a ravagé la pyramide des âges – et maintenant se présente devant vous, rutilante tel un nouvel iPhone, la suite tant attendue.

Oui, sur quoi pourriez-vous écrire ? Vous vous mettez à éplucher les genres. Roman d’aventures, trop passéiste ! Roman historique, pourquoi pas mais que de recherches à mener ! Roman sentimental, pour raconter quoi ? Roman de science-fiction, d’heroic-fantasy, tentant mais un poil geek ? Roman policier, roman gothique, roman pour enfants, roman courtois, roman épistolaire, roman de vos misères, tout défile sous vos yeux de gobi plus irrésolus que jamais.

Et c’est là que Gustave Borjay intervient. C’est là que le Maître se penche sur le fil sec et cassant de votre pauvre destinée pour le tremper dans le bain fortificateur de son propre génie. C’est là que l’Écrivain vous dit : ÉCRIVEZ SUR CE QUI VOUS INTÉRESSE !

Vous avez adoré voter pour Hollande aux dernières élections ? Ecrivez sur l’ascension d’un jeune loup de la politique. Vous avez peur que l’homme ne fasse trop de mal à la planète ? Ecrivez donc Le Dernier bilan carbone. Vous vibrez pour tout ce qui concerne votre propre vie ? Ecrivez donc votre première autobiographie. Vous vous passionnez pour la cause féministe ? Ecrivez donc Madame Bovary – La revanche.

C’est tout.

Le succès n’est pas garanti, le talent moins encore, mais la petite flamme qui vous poussera chaque jour à ajouter une nouvelle pierre à votre branlant échafaudage de mots sera là, veilleuse allumée dans votre tendre cœur d’apprenti romancier.

Gustave Borjay vous salue.

Le Retour de Madame [Bovary]

mercredi 10 juin 2015

Trouver un nouveau sujet de roman - Partie I

Vous êtes passé par toutes les étapes.

L'idée saugrenue d'écrire, l'idée de votre premier roman, les deux intervenant souvent à peu de distance l'une de l'autre. Puis le premier mot, le premier paragraphe, la première page. La première centaine de pages. Et enfin le point final. Vous avez ensuite relu votre œuvre, une fois peut-être deux, pris en compte des corrections magnanimement distillées par des relecteurs complaisants. Vous avez trimé.

Et votre imprimante a chauffé dur pour imprimer votre manuscrit, une fois, deux fois, dix fois que sais-je. Et vous avez laissé vos petits à la Poste, qui les a menés par la main jusqu'à leurs familles d'accueil respectives. Celles-ci ne l'ont pas entendu de cette oreille et vous les ont renvoyés – sains et saufs, Dieu merci ! Vous avez relancé la manœuvre, mais rien à faire, vous n'êtes pas Rousseau, vous devez garder votre progéniture. Puis le silence de l'échec, le long silence, seulement coupé par les hurlements dans la nuit que vous avez poussés, hagard, échevelé, à la face de la cruelle lune, tandis que l'averse vous martelait de ses mille aiguillons glacés.

Force vous a été de constater, devant le pêle-mêle où vous avez épinglé toutes vos lettres de refus, que vous n'avez trouvé ni public ni éditeur.

Mais, séchant vos larmes, serrant votre mâchoire dans un rictus affreux, les muscles contractés dans un effort surhumain, vous avez levé le poing vers cette même cruelle lune (cf. ci avant) et vous avez dit, dans cette prose qui vous caractérise : "Si tu crois m'avoir, pauvre c****, tu te mets le doigt dans l'œil !"

(Note de l’auteur : Nous supposons à ce stade que vous avez franchi toutes ces étapes, parvenant depuis votre idée initiale à commencer à écrire, à ne pas flancher, à supporter les critiques, à croire à la qualité de votre œuvre (ce qui vous différencie probablement du reste de l'humanité), à détruire la forêt amazonienne et alourdir les chargements du facteur, et enfin à recevoir des liasses de refus anonymes qui ne vous auront poussé ni à mettre un terme à votre vie, ni même à votre vie littéraire.)
Cependant, tellement pris, tellement absorbé par le poids de votre premier roman, qui telle une pieuvre fluorescente s'est déployé dans votre esprit jusqu'à ne plus lui faire rien voir d'autre que son envahissante présence, vous avez un vertige et demeurez, là, stupide, hébété, immobile (et, nous l'espérons, en dehors de la chaussée).

"Sur quoi pourrais-je écrire ?" laissez-vous échapper entre vos mâchoires que vous ne contrôlez plus et qui s'entrechoquent dans un cliquetis frénétique.

(à suivre…)

Vous vous sentez petit, tout petit.
(Accessoirement, vous n'avez peut-être pas encore franchi
l'étape de crise, le camion arrivant derrière vous à pleine
vitesse risquant fort de mettre fin à votre vie littéraire.)

vendredi 19 septembre 2014

Politique d’immigration

Vous n’êtes pas sans savoir que Gustave Borjay externalise l’hébergement de son blog auprès d’un prestataire. L’appel d’offre initial avait distingué une société prometteuse (dont nous tairons le nom), respectant notamment le critère clé d’absence de publicité imposée. Le conseil d’administration de la société Gustave Borjay SA, emmené par son président bien aimé, avait alors voté à l’unanimité pour ladite société.

Or, en dépit de ce partenariat juteux pour ladite société (dont nous tairons le nom), qui profitait du renom de l’Auteur pour attirer du monde sur ses plateformes et gagner ainsi en prestige, ladite société a effectué un revirement radical et, osons le mot, ingrat, plaquant d’affreuses publicités dans chaque coin de l’écran disponible, pour ainsi dire jusqu’aux espaces entre les mots. Les publicités en elles-mêmes faisant d’ailleurs l’objet d’une sélection rigoureuse, afin de garantir le maximum de couleurs criardes, d’effets clignotants, de messages selon lesquels l’ordinateur de l’internaute est bourré d’erreur et doit être nettoyé, etc.

Gustave Borjay SA a ainsi rompu son contrat avec ladite société (dont nous tairons le nom) et lancé un nouvel appel d’offre, qui mena à la sélection unanime d’un prestataire plus digne de sa confiance, du moins pour le présent. Nous vous tairons les longues heures de migration nécessitées par l’absence d’outil de l’ancien prestataire (dont nous tairons le nom) pour exporter les articles vers d’autres plateformes – comme si celui-ci avait l’inexplicable impression que la balance commerciale ne penchait pas en sa faveur ?

Et finalement, l’Écrivain peut enfin inaugurer par la présente son nouvel hébergement, fêtant comme il se doit avec la valetaille escrivantine que vous êtes la reconquête du blanc entre ses mots,

Et vous saluant.

Adieu, OverBlog !

lundi 18 août 2014

Topologie des relectures

Pour le vulgaire - entendez les non initiés tout autant que la majorité des écrivaillons qui encombrent les étagères de nos librairies nationales -, la relecture n'existe pas. Au mieux, elle consiste à appuyer sur la touche F7 sous Word pour déclencher la vérification orthographique.

Gustave Borjay, toujours prêt à laisser sa chance à la masse grouillante des porte-plumes sortis du berceau, interrompt ses vacances dans son hôtel formule 1 d’Évreux Sud pour vous détromper. Non, la touche F7 (qui soit dit en passant n'existe pas sur certains types d'ordinateur, rappelle-t-il), ne fait pas tout.

A moins soit de bâcler votre article, soit de posséder des talents incomparables (dans l'idée borjaysienne du terme), vos romans achevés sont imparfaits et méritent, ne serait-ce qu'à vos yeux, de s'y attarder avec soin. Vous avez sculpté votre diamant brut ? Il est temps d'en polir les faces ! (Gustave Borjay étant en vacances, certaines phrases du présent articles sont rédigées par un stagiaire-nègre issu du haut de classement de Sciences Po Paris.) C'est un travail d'orfèvre qui nécessite patience, rigueur et recul. On peut à cette fin souligner différentes étapes qui peuvent cependant s'entremmêler les unes aux autres.

En premier lieu, on peut désigner la relecture mot-à-mot. Elle consiste à relire soigneusement, dans le détail, votre pensum, afin d'en corriger les fautes de français, de supprimer les lourdeurs et de faire disparaître les redondances et autres segments superfétatoires. Le principe est simple, certes, mais l'application difficile et quasi interminable au vu de la qualité initiale de votre œuvre.

En deuxième lieu, on peut aborder une relecture intermédiaire, articulée autour de l'ambiance, des lieux et des personnages. Il s'agira de donner plus de caractère à l’œuvre, de souligner tel trait de caractère d'un protagoniste ou tel aspect d'un décor. On pourra également saupoudrer davantage de mystère, ou de joie, ou tout sentiment que vous pensez judicieux (l'est-ce ou non) de communiquer à votre supposé lecteur.

En troisième et dernier lieu, on peut se plonger dans une relecture structurelle, assimilable en pénibilité aux travaux publics sur une voie d'autoroute, et consistant à supprimer des passages entiers, à rajouter des chapitres, des personnages, des péripéties. Cela demande un recul que les spécialistes assimilent souvent au nom de Borjay, allez savoir pourquoi, et qui seul permet de se forger une opinion juste de l'équilibre nécessité par la trame de votre roman. Faut-il voir plus souvent Monsieur X ? Moins souvent le centre de détention pour adolescents ? Faut-il que que votre héros évolue plus rapidement ?

Trois types de relectures et autant de raisons pour lesquelles vous n'arrivez pas à la Cheville de l’Écrivain,

Gustave Borjay, qui vous salue.

Addendum : Gustave Borjay rappelle à son aimable clientèle, pour le cas où,
sait-on jamais, qu'il ne suffit pas qu'une pierre soit formée de carbone pour
qu'il s'agisse d'un diamant. A bon entendeur, salut.

dimanche 4 mai 2014

Le Livre dont vous êtes le héros

Savez-vous qu’un jour, après avoir fini d’écrire un livre dont vous ne seriez pas le héros, Gustave Borjay pourrait bassement céder à la pression populaire qui s'est jusqu'ici émoussée depuis de longues années en pure perte contre sa volonté toute-puissante ? Savez-vous qu'il pourrait, dans un retournement spectaculaire dont seul un scénariste comme lui peut ménager l'effet, s'atteler à un livre dont vous seriez enfin le héros ?

Plaçons-nous dans cette perspective troublante. Comment cela se passerait-il alors ? Peut-être créerait-il une figure de héros vivant dans notre temps, tout d’abord, puis rempli d’indécision et de contradiction au point qu’il serait incapable de faire un vrai choix d’homme. Peut-être même l’Écrivain irait-il jusqu’à concocter une fin en forme d’impasse, tel un bilan dans la plus pure lignée des romans flaubertiens ?

Ce héros pathétique serait typiquement le genre de personne qui détesterait voir ses propres limites faire le sujet de tout un livre. Même si, à bien y réfléchir, il ne s'en rendrait probablement pas compte.

En fin de compte, ce serait quelqu'un qui vous ressemble beaucoup.

C’est sans doute la meilleure des raisons pour Gustave Borjay,

Qui vous salue.

« Quelle déception, je ne me suis vraiment pas reconnu
dans ce livre dont je suis le héros ! Il faudrait que je sois
quelqu'un de bien médiocre, AH AH ah ah… »

lundi 10 mars 2014

L'Attente

Aujourd'hui, et en dépit des nombreuses sollicitations, fidèle à sa réputation de neutralité politique immaculée, Gustave Borjay ne fournira pas d'information sur la composition du prochain gouvernement après le remaniement tant attendu.

Non. Il y a des choses plus importantes.

Il y a par exemple l'attente. Vous savez, cette attente qui pèse sur la main de l'écrivain lorsqu'il a mis un point final à son manuscrit et, le cœur rasséréné mais fébrile pourtant, laisse passer les jours comme autant d'invitations à prendre du recul sur son œuvre.

Il y a ces moments où le prend mécaniquement l'envie de taper de nouveaux mots, de nouvelles phrases, ou s'empare de lui le malaise de laisser s'écouler des périodes stériles et sèches. Et pourtant, il a réussi.

Il y a ces moments où quelque nouvelle, quelque distraction créatrice se propose à lui comme un répit salvateur pour lui permettre d'exercer sa plume et sa verve.

Et puis lorsque le temps sera venu il y aura la redoutable relecture grâce à laquelle, espère-t-il, il parachèvera son œuvre au-delà de toutes ses attentes.

Gustave Borjay vous salue.

Tous les neurones de Gustave Borjay attendent l'ouverture
de la saison de la relecture.

samedi 18 janvier 2014

L'Art du mot juste

Aujourd'hui, las de voir la langue française assidûment défigurée par les apprentis auteurs dont il lui arrive à ses heures perdues de feuilleter la production, Gustave Borjay est prêt à amputer d'une précieuse heure son emploi du temps surchargé afin de vous donner les bases en la matière. Place au Maître.

Tout d'abord, méfiez-vous - exhorte l’Écrivain - des journaux. La faune journalistique a le petit travers d'avoir été élevée à la mamelle du Lieu Commun Littéraire (LIL dans l'armée), et en conséquence s'affirme comme un vecteur de distribution de mots valises au sens démesurément élargi et du coup démesurément dilué. Souvent ces mots concernent seulement quelques-uns de ce qu'un professeur de français n'hésiterait pas à appeler champs lexicaux. Quelques exemples (à noter que si certains mots sont à banir, d'autres peuvent utilisés à condition que ce soit dans leur sens le plus pur) :
♦ champ lexical journalistique standard : standard, focalisé, motivé, basique, culture de quelque chose (la haine, l'entreprise), éclairant, signifiant, etc. ;
 champ lexical professionnel : gérer, qualité de vie, pouvoir d'achat, manager, etc. ;
 champ lexical freudien / psychologie : libido, refoulement, dépression, coincé, empathie, pervers, fantasme, fusionnel, décomplexé, haine, démence, stressé, culpabiliser, etc. ;
 champ lexical de la lutte contre les discriminations : misogynie, machisme, racisme, intolérance, discrimination, etc. ;
 champ lexical sportif : mental, au forceps, troisième mi-temps, etc.

Libre à vous de compléter. Les deux catégories freudienne et discriminations sont peut-être celles qui créent le plus de dégâts, car sitôt utilisées elles empêchent de pouvoir développer avec finesse la psychologie des personnages.

La règle générale que Gustave Borjay vous donne afin d'éviter cet écueil : dès lors qu'une expression ou qu'un mot vous paraît rebattu ou un brin journalistique, tâchez de trouver votre propre expression, vos propres mots, vous gagnerez en pertinence et en finesse.

Surtout, soyez précis, vérifiez le sens de chacun de vos mots et la justesse de toutes vos métaphores. Un mot qui ne convient pas tout à fait heurte et rompt la fluidité de la phrase, il enlève également à l'œuvre sa perfection stylistique qui la place au-dessus de la jungle des écrits maladroits.

« Mais focalisons-nous de nouveau sur Sammy. C'était un de ces blacks que tout le monde aurait voulu avoir comme ami. Contrairement à sa mère, perverse dans son délire de toute puissance, il était tolérant. Quant à son père, qui était d'une génération où il était courant d'être misogyne et raciste, il ne le voyait plus. Il en avait assez de cette culture de la haine. Il préférait croquer la vie à pleines dents. »
 
A défaut d'y arriver, tâchez au moins de créer.

Gustave Borjay vous salue.
 
Pourquoi Sammy était-il cuisinier ? Parce qu'il avait toujours
fantasmé sur les variations culinaires autour des têtes de cochon.